Einstein s’est-il intéressé à la Science Chrétienne ?
Albert Einstein dans son bureau à Princeton, New Jersey, 1951. Ernst Haas / Contributeur / Ernst Haas / Getty Images
De nombreuses anecdotes circulent depuis des années concernant le physicien Albert Einstein (1879-1955) et son intérêt pour la Science Chrétienne. Certaines d’entre elles sont-elles fondées ? Les ouvrages sur sa vie et sa pensée sont en général peu diserts sur ce sujet.1 Depuis des années, la Bibliothèque Mary Baker Eddy s’efforce d’apporter une réponse à cette question. Voici les derniers éléments d’information que nous avons trouvés.
En juillet 1950, le magazine The American Mercury publie une lettre écrite par Blanche S. W. Carr, dans laquelle celle-ci déclare : « Einstein a dit à l’un de mes amis que Mary Baker Eddy a découvert ses théories sur le temps, l’espace et la matière ».2 S’interrogeant sur la véracité de cette déclaration, Ames Nowell, une lectrice du magazine, écrit à Einstein lui-même pour lui demander d’en confirmer l’authenticité. Helen Dukas, la secrétaire d’Einstein de 1928 à 1955, lui répond : « Il [Einstein] m’a prié de vous informer, en réponse à votre demande, qu’il n’a jamais tenu les propos qui lui sont attribués… »3
On entend dire également depuis longtemps qu’Einstein a pris la parole lors d’une réunion de témoignage de la Science Chrétienne le mercredi soir et qu’il fréquentait la salle de lecture de la Science Chrétienne à Princeton, dans le New Jersey.4 Après avoir effectué des recherches dans nos collections, nous n’avons pas trouvé de sources fiables pour confirmer ces affirmations.
En 1970, Dorothy Hunt Smith, praticienne de la Science Chrétienne, téléphone à Helen Dukas, qui est alors conservatrice des archives d’Einstein, pour tenter d’avoir confirmation de l’intérêt d’Einstein pour la Science Chrétienne et de ses visites à la salle de lecture de Princeton. Mme Dukas lui répond que, forte d’une longue et étroite collaboration avec Einstein, elle peut affirmer qu’il ne connaissait rien de la Science Chrétienne, qu’il n’avait exprimé aucun intérêt pour cette religion, ni aucune opinion à ce sujet, et qu’il n’y avait fait aucune allusion.5
Cependant, plusieurs documents conservés dans nos collections tranchent avec la déclaration catégorique de Mme Dukas.
William Hermanns était un spécialiste de l’histoire de l’Allemagne, de la Première Guerre mondiale à l’ère hitlérienne. Ce réfugié qui avait fui le régime nazi était également scientiste chrétien et entretenait des relations amicales avec Einstein. En 1943, il réalise un entretien avec Einstein sur le thème de la spiritualité et de la science. Interrogé sur ses doutes quant à l’existence des atomes, Einstein déclare : « Je n’ai jamais nié l’existence de la matière ! »6 Plus tard, Hermanns lui parle d’une guérison qu’il a obtenue par la prière et lui demande s’il le croit. Voici sa réponse :
Cette affirmation ne peut être vérifiée… On ne pourrait que prouver qu’elle est fausse. Bien sûr, je ne nie pas que les pensées influencent le corps.7
L’actrice Elisabeth Bergner, une amie d’Einstein, a relaté ses conversations avec le savant à propos de Dieu. Elle mentionne la fois où elle lui a remis un exemplaire du livre de Mary Baker Eddy, Science et Santé avec la Clef des Ecritures alors qu’elle se trouvait à Princeton. Elle évoque ce souvenir dans une lettre à l’archiviste de L’Eglise Mère, Lee Z. Johnson :
… Nous discutions dans ma loge après un spectacle… J’avais avec moi mon premier exemplaire de S. & S. (que je n’avais encore lu qu’à moitié) et je le lui ai mis dans les mains, d’un air interrogateur. Il l’a regardé longuement, il l’a feuilleté et me l’a rendu & en disant : « Du gesegnetes kind » (que j’ai traduit des années plus tard pour M. Seeley par : « Bénie sois-tu », sachant que le professeur ne me disait jamais « tu » dans une conversation normale, mais « vous »).
Malheureusement, j’étais bien trop ignorante à l’époque au sujet de la S.C. pour savoir aujourd’hui si, par ces mots, il appréciait le livre ou m’encourageait dans mon étude en cours. Si j’avais mieux connu le contenu de ce livre à l’époque…8
Au début des années 1950, George Nay a assisté à une réunion de témoignage, un mercredi à midi, à Cinquième Eglise du Christ, Scientiste, à New York.9 Apercevant Einstein, il s’est présenté à lui. Il relate leur échange dans une déclaration écrite et signée en 1970 :
Lorsque j’étais membre du Conseil des conférences [de la Science Chrétienne], j’ai eu l’occasion de séjourner à New York à l’hôtel Commodore. Je fréquentais régulièrement la salle de lecture de Cinquième Eglise, qui se trouvait non loin de l’hôtel. La salle de lecture est située dans l’un des étages supérieurs d’un immeuble de bureaux. L’église se trouve à proximité. Lors d’une de mes visites, la bibliothécaire m’a dit qu’Albert Einstein assistait parfois au service du mercredi midi. Je l’ignorais jusqu’à ce que cette bibliothécaire, une femme très gentille, me l’apprenne – je ne me souviens pas de son nom et je ne l’ai probablement jamais su…
J’ai ensuite assisté au service du mercredi et j’ai vainement tenté de l’apercevoir pendant la réunion. Mais après le service, il est sorti avec la foule. C’était impossible de ne pas le reconnaître. Je me suis approché de lui et, de la manière la plus courtoise possible, je l’ai salué par son nom, je me suis présenté et lui ai dit que j’étais heureux de sa présence au service. Je lui ai demandé s’il avait apprécié le service. En me regardant avec ce regard lointain qu’on lui connaît sur toutes les photos, il m’a dit, autant que je puisse m’en souvenir après toutes ces années : « Vous rendez-vous compte de cette chose merveilleuse que vous avez ? »10
Pour en apprendre davantage sur un sujet connexe, vous pouvez lire : « Comment Mary Baker Eddy employait-elle le terme “physique” ? »
Cet article est aussi disponible sur nos sites en allemand, anglais, espagnol et portugais.
- Le livre de Max Jammer, Einstein and Religion [Einstein et la religion] (Princeton: Princeton University Press, 1999) ne mentionne ni Mary Baker Eddy ni la Science Chrétienne, ce qui est sans doute révélateur de la difficulté à établir la réalité d’un lien. Dans son livre, Einstein: His life and universe [Einstein : sa vie et son univers], Walter Isaacson (New York: Simon and Schuster, 2006) affirme que Hans Albert, le fils aîné d’Einstein, a épousé une scientiste chrétienne (p. 400). Isaacson ne mentionne aucun intérêt pour la religion de la part d’Albert Einstein.
- Blanche S. W. Carr, The American Mercury, Juin 1950, 767. Blanche Carr a reçu une lettre d’une connaissance, Mme Spalding, qui lui dit que, d’après un ami, Einstein aurait déclaré « … qu’une femme, il y a 70 ans, ait pu comprendre à propos du temps et de l’espace ce que je sais être vrai aujourd’hui, est tout à fait incroyable », Ames Nowell à George Channing, 29 juillet 1950, Archives de l’Eglise.
- Helen Dukas à Ames Nowell, 7 juillet 1950, Archives de l’Eglise.
- Einstein a vécu à Princeton de 1933 jusqu’à sa mort en 1955.
- C. Earle Armstrong, Note : Dr Albert Einstein et la Science Chrétienne, 20 janvier 1970, Archives de l’Eglise.
- William Hermanns, Einstein and the Poet: In Search of the Cosmic Man [Einstein et le poète : A la recherche de l’homme cosmique], (Brookline, Massachusetts: Branden Press, Inc., 1983), 59.
- Ibid., 60.
- Elisabeth Bergner à Lee Z. Johnson, 19 janvier 1971, emplacement dans la Collection de la Bibliothèque Mary Baker Eddy : Subject file, Bergner, Elisabeth. Cet échange a été cité dans une conférence de la Science Chrétienne donnée en 1964 par Paul Stark Seeley, C.S.B., et intitulée « Dieu, le grand médecin », Archives de l’Eglise, dossier des conférences publiées, 15-16.
- Nay sera rédacteur adjoint des magazines de la Science Chrétienne par la suite, de 1958 à 1972.
- Déclaration de George Nay à propos d’Einstein, 20 octobre 1970, emplacement dans la Collection de la Bibliothèque Mary Baker Eddy : Subject file, Einstein, Albert.