Vaccination : Qu’a dit Mary Baker Eddy ?
Pour savoir comment Mary Baker Eddy a abordé le thème de la vaccination, nous avons passé en revue ses écrits publiés, sa correspondance et ses articles parus dans la presse, ainsi que ceux publiés dans les magazines qu’elle a créés pour l’Eglise du Christ, Scientiste. Bien qu’elle ait abordé cette question dès 1880, elle s’y est surtout intéressée entre 1900 et 1902.
Avant d’entrer dans les détails, voici quelques informations générales sur la vaccination au XIXe et au début du XXe siècle.
Selon un article de l’Université de Harvard daté de 2014, « Bien que la vaccination ait déjà été une pratique courante dans certaines parties du monde au début du XVIIIe siècle, elle commençait juste à être discutée en Angleterre et dans les colonies d’Amérique. Le ministre puritain Cotton Mather est largement reconnu pour avoir introduit la vaccination dans les colonies et pour avoir beaucoup fait pour promouvoir l’utilisation de cette méthode comme étant la norme pour la prévention de la variole, lors de l’épidémie de 1721. On pense que Mather a appris l’existence de la vaccination pour la première fois grâce à son esclave ouest-africain Onésime… »1 Cotton Mather était un habitant de Boston, et il s’est associé au Docteur Zabdiel Boylston pour développer l’utilisation du vaccin contre la variole. Ils se sont heurtés à une opposition en raison de l’opinion commune selon laquelle la vaccination allait à l’encontre de la volonté de Dieu. Ils ont également dû faire face au scepticisme concernant la sécurité et la fiabilité d’une telle pratique.2
Au début du XIXe siècle, le Massachusetts était l’un des rares Etats dotés de lois imposant la vaccination obligatoire lorsque les localités étaient menacées par la variole. En 1902, le conseil de santé de la ville de Cambridge a ordonné que la vaccination soit obligatoire lors d’une épidémie. L’objection à cette obligation a conduit à un procès – Jacobson contre Massachusetts – qui a été tranché par la Cour Suprême des Etats-Unis en 1905. Le tribunal a donné raison à la ville, eu égard au pouvoir de police de l’Etat et à l’argument selon lequel les libertés individuelles doivent parfois être subordonnées au bien-être commun.3
Nous avons trouvé la première allusion de Mary Baker Eddy au rapport existant entre la Science Chrétienne et la vaccination ayant fait l’objet d’une publication, dans le manuscrit de son sermon de 1880 au Hawthorne Hall de Boston : « Le Dieu des hommes, et les effets sur la santé et la morale. » D’après ce document, elle a choisi Ephésiens 4:5 comme message et elle a rédigé ce commentaire :
Tout degré de progrès est un pas fait en direction de l’Esprit. Le grand élément de la réforme n’est pas né de la sagesse humaine ; il ne puise pas sa Vie dans des organisations humaines ; c’est plutôt l’écroulement des éléments matériels qui se détachent de la pensée et des choses, la retraduction de la matière dans sa langue originelle – l’entendement, et l’unité finale entre l’homme et Dieu.
Vers la fin du sermon, après avoir cité le scepticisme de plusieurs médecins éminents à l’égard de la médecine, Mary Baker Eddy a remarqué qu’il semblait anormal d’utiliser un virus provenant d’un animal pour l’inoculer à un être humain. Elle a également souligné le rôle de Lady Mary Wortley Montagu dans l’introduction de la vaccination contre la variole en Angleterre. Elle a conclu ainsi :
… un idéal plus spirituel et plus vrai de la Divinité améliore la race physiquement et moralement. Dieu n’est plus un mystère pour le scientiste chrétien, mais un Principe compris, qui détruit le péché, la maladie et la mort… Les idéaux de l’entendement sont tous mis en évidence sur le corps.4
Lorsque le sermon a été imprimé – pour la première fois en juin 1883 dans le Christian Science Journal et puis sous forme de brochure – la référence à la vaccination a été supprimée.5 Mary Baker Eddy a publié un bref article, « Contagion », deux mois plus tard dans le Journal (réimprimé par la suite dans Ecrits divers 1883-1896).6 Les deux articles sont parus l’année de l’inauguration du magazine. Une autre brève référence à la vaccination est apparue dans l’article que Mary Baker Eddy a écrit en 1884 « Mistakes » [Erreurs].7
Au cours de la décennie suivante, les articles du Journal rédigés par d’autres auteurs mentionnent occasionnellement la vaccination, et parfois de façon critique. Plusieurs témoignages incluent des guérisons de ses effets indésirables.8 Ces contributions soulignaient le fait que la vaccination était controversée et parfois obligatoire.
Lors d’une épidémie de variole en 1894, William B. Johnson, membre du Conseil des directeurs de la Science Chrétienne, a écrit à Mary Baker Eddy pour lui faire part de sa crainte d’être arrêté s’il refusait de se faire vacciner.9 Elle a répondu : « Défendez-vous contre la nécessité que vous prophétisez. Si vous n’êtes pas à même de le faire, n’agissez pas aussi imprudemment que Holmes, mais de deux maux choisissez le moindre, qui peut être celui d’être vacciné. »10 11
Le 7 mars 1900, dans un journal de Leavenworth, au Kansas, ont été publiés les conseils de Mary Baker Eddy aux scientistes chrétiens au sujet de la vaccination. Les parents scientistes chrétiens de sept enfants, qui n’avaient pas été scolarisés pendant plus d’un mois parce qu’ils ne voulaient pas se conformer à l’ordre de la Direction de l’école locale imposant que tous les enfants soient vaccinés, ont revu leur position. Edward H. Keach, le Premier Lecteur de l’église filiale locale de la Science Chrétienne, a expliqué au journaliste qu’ils avaient « consulté Mary Baker Eddy, de Boston, la fondatrice de leur dénomination, et qu’ils avaient reçu les instructions suivantes » :
Plutôt que de se quereller à propos de la vaccination, je recommande, si la loi exige, qu’une personne se soumette à ce procédé, qu’elle obéisse à la loi, et ensuite qu’elle fasse appel à l’Evangile pour se protéger des mauvais résultats. Pour tout ce qui appartient à ce siècle, ou à toute époque, nous pouvons nous en remettre en toute sécurité à la providence de Dieu, à la justice commune, aux droits individuels et aux usages gouvernementaux.12
Ce conseil est devenu un élément clé des déclarations sur la vaccination de Mary Baker Eddy et de son Eglise.
A peu près au même moment de l’incident de Leavenworth, le fils de Mary Baker Eddy, George Glover, a intenté une action en justice contre un conseil scolaire qui avait ordonné à tous les enfants des écoles publiques de Lead, dans le Dakota du Sud, de se faire vacciner. Le 19 février 1900, Mary Baker Eddy lui a écrit :
Je suis navrée que vous ayez intenté une action en justice concernant la question de la vaccination de votre ou de vos enfants, bien que je ne doute pas que vous ne gagniez lors de ce procès, comme vous l’avez toujours fait – ce pour quoi je suis assez contente de pouvoir pavoiser. Mais si c’était mon enfant, je le laisserais être vacciné et ensuite, par la Science Chrétienne, j’éviterais que les effets indésirables ne nuisent à sa santé…13
Mais George Glover n’a pas « gagné » ; il a perdu son procès en appel devant la Cour Suprême de l’Etat, après sa tentative infructueuse de solliciter une ordonnance contre le conseil scolaire et de faire condamner les membres du conseil pour outrage.14 Cela a été largement diffusé. Le 9 janvier 1901, une lettre au rédacteur en chef émanant d’Alfred Farlow, manager des Comités de Publication – le bureau des affaires publiques de l’Eglise du Christ, Scientiste – a été publiée dans le Boston Herald :
IL EST CONSEILLÉ DE RESPECTER LA LOI.
A l’attention du Rédacteur en chef du Boston Herald :
Dans un numéro récent de votre journal, vous avez publié un rapport de Lead, Colorado,15 faisant référence à un procès porté devant les tribunaux de cet Etat, dans lequel George Glover a cherché à se soustraire à la loi sur la vaccination. Votre article dit qu’« un certain nombre de familles scientistes chrétiennes prennent des positions identiques à celle de Glover. »
Je désire affirmer qu’il s’agit d’une question purement individuelle, et qu’elle n’est ni encouragée ni soutenue par les scientistes chrétiens. S’il est vrai que les scientistes chrétiens, comme beaucoup d’autres, ne croient pas à la vaccination obligatoire, ils ne combattent toutefois pas cette loi, mais s’y soumettent paisiblement. Récemment, la Révérende Mary Baker Eddy, leader de ce mouvement, a publié la déclaration suivante :
Plutôt que de se quereller à propos de la vaccination, je recommande, si la loi exige qu’une personne se soumette à ce procédé, qu’elle obéisse à la loi, et ensuite qu’elle fasse appel à l’Evangile pour se protéger des mauvais résultats. Pour tout ce qui appartient à ce siècle, ou à toute époque, nous pouvons nous en remettre en toute sécurité à la providence de Dieu, à la justice commune, aux droits individuels et aux usages gouvernementaux.
Presque simultanément, le Times de Marlborough, Massachusetts, a rapporté que les scientistes chrétiens « lançaient une croisade contre la vaccination au motif que la variole était une maladie imaginaire ». Farlow a répondu au rédacteur en chef, par une lettre en date du 12 janvier 1901, où il reconnaissait d’abord qu’« il est vrai que les scientistes chrétiens ont peu confiance dans les remèdes matériels, car ils ont prouvé que la Science Chrétienne est non seulement un meilleur remède, mais une meilleure protection contre la maladie que tout ce qu’ils ont employé jusque-là ». Mais il poursuit en expliquant que les scientistes chrétiens « n’ont rien à voir » avec la croisade contre la vaccination car ils « ont depuis longtemps renoncé à toute lutte sur cette question, et ont accepté de se faire vacciner » en accord avec les conseils de Mary Baker Eddy. Il a également écrit que « ce n’est pas un énoncé en accord avec la Science Chrétienne que de dire que la variole ou toute autre maladie est de l’imagination » ; que « l’attention et la discrétion doivent être de mise à l’égard des malades, quelle que soit la nature de la maladie, jusqu’à ce que le danger qui en découle soit écarté » ; que « cela ne diminue pas l’efficacité des prières que de faire attention à la propagation de la maladie » et que « les scientistes chrétiens ne se précipitent pas imprudemment vers sa présence. »16
Cette lettre et d’autres sur la vaccination ont été réimprimées dans les magazines de l’Eglise. Mary Baker Eddy a écrit en privé à son élève Edward Kimball, préoccupée par le fait que le procès de son fils et les histoires des scientistes chrétiens s’opposant à la vaccination ne rejaillissent publiquement sur la Science Chrétienne, reconnaissant ainsi la nécessité de « publier ma protestation dans nos périodiques ».17
Le 17 février 1901, le Boston Herald a publié une courte lettre de 170 mots – non pas de Farlow mais de Mary Baker Eddy elle-même. Elle incluait désormais ses directives de référence sur la vaccination et expliquait plus en détail l’importance pour les scientistes chrétiens d’obéir à la loi. Le dernier paragraphe disait ceci :
Ces directives devraient être interprétées comme devant s’appliquer, sur la base de la Science Chrétienne, au signalement des cas de maladies contagieuses aux autorités compétentes lorsque la loi l’exige. Quand Jésus fut interrogé concernant l’obéissance à la loi humaine, il répondit : « Rendez à César ce qui est à César », de même que vous rendrez « à Dieu ce qui est à Dieu. »
Ceci a été rapidement republié dans le Sentinel et le Journal.18 Cette déclaration a également été adaptée pour être utilisée dans une lettre plus longue de Mary Baker Eddy au New York Sunday Journal, publiée sous le titre « Christian Science Healing, Explained and Defended » [La guérison par la Science Chrétienne, expliquée et défendue], plus tard remaniée sous la forme d’un article intitulé : « La guérison en Science Chrétienne », lequel a ensuite été inclus dans son livre La Première Eglise du Christ, Scientiste, et Miscellanées.19
Plus tard, ce printemps-là, le New York Herald a publié une vaste interview de Mary Baker Eddy, réalisée chez elle dans le New Hampshire, qui comprenait une discussion sur la Science Chrétienne et les lois sanitaires relatives aux maladies infectieuses et contagieuses. Elle a répété ses déclarations précédentes sur la vaccination, après avoir expliqué que « nous ne pouvons pas imposer la perfection au monde » et avoir déclaré : « Tant que les scientistes chrétiens obéiront aux lois, je ne pense pas qu’on accordera beaucoup d’importance à leurs réticences mentales à ce sujet. Mais toute pensée compte et, finalement, la Science Chrétienne renversera la fausse connaissance. »20
Des interviews, des articles et des lettres adressés aux rédacteurs en chef de journaux en 1900 et 1901 offraient un message cohérent de la part de Mary Baker Eddy : la pratique de sa religion n’était pas une menace pour la santé publique. Lorsque tenus de le faire, les scientistes chrétiens et leurs enfants se soumettraient à la vaccination. Mary Baker Eddy était une étudiante de la Bible, et elle s’est peut-être inspirée de l’un des thèmes de l’Evangile selon Luc et du livre des Actes des Apôtres, où il est affirmé que la jeune église chrétienne était une religion respectueuse des lois qui ne menaçait pas le gouvernement de Rome.21
Après une interruption de la couverture médiatique pour le reste de l’année 1901 et la majeure partie de l’année 1902, de nouvelles questions ont été soulevées concernant la Science Chrétienne face au signalement et au traitement des maladies infectieuses et contagieuses. Cela résultait en partie des tentatives incessantes de Josephine Curtis Woodbury – une éleve de Mary Baker Eddy qui avait perdu un procès en diffamation contre elle en 1901 – pour orienter l’opinion publique contre la Science Chrétienne au travers de la presse. Encore une fois, Mary Baker Eddy a répondu par les canaux de son Eglise, affirmant que les scientistes chrétiens signalaient les cas suspects de contagion et observaient les quarantaines mises en place par le gouvernement. Nous examinerons de plus près les questions en jeu sur ce sujet dans un prochain article.
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- « The fight over inoculation during the 1721 Boston smallpox epidemic » [La lutte au sujet de la vaccination pendant l’épidémie de variole de Boston en 1721].
- Voir John B. Blake, Public Health in the Town of Boston, 1630–1822 [La santé publique dans la ville de Boston, 1630-1822] (Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press, 1959).
- Lawrence O. Gostin, « Jacobson v. Massachusetts at 100: Police Power and Civil Liberties in Tension » [Jacobson contre Massachusetts : pouvoir de police et libertés civiles sous tension], American Journal of Public Health, avril 2005. https://ajph.aphapublications.org/doi/10.2105/AJPH.2004.055152.
- Voir les Documents Mary Baker Eddy, « The People’s God » [Le Dieu des hommes], A10371A, pour le brouillon manuscrit et la transcription annotée.
- Le titre final était L’idée que les hommes se font de Dieu : son effet sur la santé et le christianisme (Boston: The Christian Science Board of Directors).
- Mary Baker Eddy, « Contagion », Ecrits divers 1883-1896 (Boston: The Christian Science Board of Directors). Pour en savoir plus sur cet article, consultez « Dans quelles circonstances Mary Baker Eddy a-t-elle écrit l’article intitulé “Contagion” ? ».
- Mary Baker Eddy, « Mistakes » [Erreurs], Journal of Christian Science, août 1884, 4.
- Par exemple, voir « Letters and cases of healing » [Lettres et cas de guérison], The Christian Science Journal, octobre 1885, 135.
- William B. Johnson à Mary Baker Eddy, 11 mars 1894, IC001bP2.01.054.
- « Holmes » fait référence à un homme vivant dans South Boston, Joseph Holmes, qui avait refusé d’être vacciné et qui avait reçu une amende. Voir « Ill for Weeks » [Malade durant des semaines], Boston Daily Globe, 6 mars 1894, 4.
- Mary Baker Eddy à William B. Johnson, 12 mars 1894, L00059.
- « Christian Scientists Vaccinate Children » [Les scientistes chrétiens vaccinent les enfants], The Leavenworth Times, 7 mars 1900, 3. Une déclaration similaire de Mary Baker Eddy était parue dans le Boston Herald 12 jours plus tôt, le 24 février 1900, dans un article intitulé « A Remarkable Event » [Un évènement remarquable], d’Alfred Farlow. Il a été réimprimé dans le Christian Science Sentinel du 1er mars 1900. C’est peut-être là que Keach a lu les paroles de Mary Baker Eddy. Ou bien Farlow a peut-être envoyé l’article à Keach, qui servait également en tant que Comité de Publication pour le Kansas.
- Mary Baker Eddy à George Glover, 19 février 1900, L02130.
- « Supreme Court Decides the Vaccination Case » [La Cour Suprême tranche le cas relatif à la vaccination], The Daily Pioneer (Deadwood, Dakota du Sud), 1er Janvier 1901, 1.
- En fait, il s’agit du Dakota du Sud, et non du Colorado.
- Republié sous le titre « A Protest » [Une protestation], dans le Sentinel du 31 janvier 1901, 342.
- Mary Baker Eddy à Edward Kimball, 15 février 1901, L07515.
- Voir le Sentinel du 21 fevrier 1901 et le Journal du mois de mars 1901, sous le titre « Obey the Law » [Obéir à la loi].
- La lettre de Mary Baker Eddy au Sunday Journal a été la conséquence d’une mauvaise publicité faite à la Science Chrétienne à la suite d’un procès concernant un legs à Première Eglise du Christ, Scientiste, New York, qui avait fait l’objet d’une contestation.
- « Mrs. Eddy Talks of Christian Science » [Mary Baker Eddy parle de la Science Chrétienne], New York Herald, 1er mai 1901 ; republié sous le titre « Mrs Eddy Talks » [Mary Baker Eddy parle], dans le Sentinel du 9 mai 1901, et plus tard dans La Première Eglise du Christ, Scientiste, et Miscellanées (Boston: The Christian Science Board of Directors).
- Stephen L. Harris, Exploring the Bible [Explorer la Bible] (New York: McGraw Hill, 2014), 354.