Des femmes ayant marqué l’Histoire : Elisa Mazzucato Young
Elisa Mazzucato Young (1846-1937) était une musicienne scientiste chrétienne. Elle et son mari, Bicknell Young, praticien, professeur et conférencier de la Science Chrétienne, ont été mariés pendant 54 ans et ont eu trois fils. Elle a composé l’un des premiers opéras créés par une femme aux Etats-Unis, ainsi que d’autres œuvres musicales. Elle est devenue membre de l’Eglise du Christ, Scientiste, en 1894, et a consacré la majeure partie des 40 années suivantes à soutenir la mission de guérison de l’Eglise.
Elisa Mazzucato a grandi en Italie. Elle est la fille d’Alberto Mazzucato (1813-1877), compositeur d’opéra et « directeur du conservatoire et chef d’orchestre de l’opéra de la Scala de Milan ». Sa mère, Teresa Bolza, était la fille du comte Luigi Bolza, commissaire de police autrichien à Milan.1 Elisa Young est probablement à l’origine d’un récit à la troisième personne évoquant ses jeunes années, publié en 1885 :
Madame Young commença à étudier la musique avec son père à l’âge de huit ans… [mais] celui-ci n’avait pas le temps de lui donner des leçons régulières. Il lui faisait cependant lire un très grand nombre de pièces de musique, l’encourageant constamment…
Dès l’adolescence, Elisa Young accompagne les élèves qui étudient le chant avec son père. La mort de sa mère, à cette époque, a des conséquences inattendues sur son parcours musical : « … son père commença à l’emmener à presque toutes les répétitions (qu’il dirigeait) et aux représentations de la Scala… si bien qu’elle eut maintes occasions d’entendre les meilleurs opéras chantés par les plus grands chanteurs… » Cela a pu contribuer à cimenter son orientation professionnelle. « Elle étudia le chant… non pas dans le but de se produire en public, mais pour parfaire sa connaissance de l’art et devenir une excellente professeure. »2
Après la mort de son père en 1877, Elisa Young et son frère partent vivre à Londres. En l’espace d’un an, elle rejoint le corps enseignant de la National Training School of Music [Ecole nationale de musique]. En 1882, elle est mutée au Royal College of Music [Faculté royale de musique], l’institution qui a succédé à la National Training School of Music. L’année suivante, elle épouse Bicknell Young, qui a quitté Salt Lake City pour Londres en 1879, à 22 ans, afin d’y poursuivre ses études. De dix ans plus âgée que son mari, Elisa Young a été décrite plus tard comme « une dame d’une grande douceur de caractère »3
Il serait difficile d’imaginer un couple aux origines plus différentes. Bicknell Young vient d’une importante famille mormone polygame. Son père avait cinq épouses. Sa mère, la première de ses épouses, a donné naissance à dix des 21 enfants de son père. En Angleterre, Bicknell Young a pris des distances avec la religion de son enfance. Nous ne possédons aucune information sur l’éducation religieuse d’Elisa Young.
Au cours des quatre premières années de leur mariage, les Young ont trois fils, Arrigo, Hilgard et Umberto. La famille retourne à Salt Lake City en 1885, où le couple se produit et ouvre une école de musique. Quelques années plus tard, ils s’installent à Omaha, dans le Nebraska, où Elisa Young se distingue en tant que compositrice de Mr. Sampson of Omaha, un opéra-comique en trois actes. Cet opéra a été joué avec succès à Omaha en 1888, puis à Salt Lake City. Elle collabore avec le librettiste Fred A. Nye, « l’un des rédacteurs en chef du vieux journal Omaha Republican ».4 Monsieur Young y jouait le rôle du roi de Bulgarie. Le duo romantique pour deux amants n’est pas sans rappeler le lien existant entre Elisa et Bicknell, dans le contexte de l’époque :
Sampson et le chœur :
De même que les étoiles sont fidèles au ciel,
De même que l’aiguille est fidèle au pôle,
Je serai fidèle à la fille que j’aime
De toute la force de mon cœur et de mon âme.
Margaret :
Quand une jeune fille aime un homme
Elle dit au revoir, au revoir,
Depuis la nuit des temps,
Quand une jeune fille aimait un homme
Elle disait au revoir, au revoir.
Sampson :
A tout, sauf à lui
Elle dit au revoir, au revoir.
Bien que son regard soit triste,
Elle se tourne vers lui et le suit
En disant au revoir, au revoir.
A sa famille, la jeune fille dit
Au revoir, au revoir ;
C’est à lui que seront ses jours à venir,
Elle met sa main dans la sienne,
Au revoir, au revoir.5
Il est intéressant de noter que la partition d’une autre chanson de ce même opéra-comique, « A Bulgarian Pin » [Une broche bulgare], a été distribuée aux voyageurs des trains de l’Union Pacific « avec les compliments de l’Union Pacific ».
En 1890, les Young font leurs adieux à Omaha pour s’installer à Chicago afin d’y poursuivre leur carrière musicale.6 Elisa Young y compose l’opéra en un acte Maiden and the Reaper [La jeune fille et le faucheur], ainsi que d’autres œuvres musicales.7 Selon une esquisse biographique non datée : « Au cours des premières années passées à Chicago, M. et Mme Young ont manifesté un vif intérêt pour l’oratorio, les ballades anglaises et l’opéra. Plus récemment, ils se sont rapprochés des lieders allemands et des chansons françaises. »8 Un programme de récital de 1891 mentionne que Bicknell Young faisait partie du corps enseignant du National School and College of Music, et qu’il interprétait « Song of the Morn » [Le chant de l’aurore], accompagné par « Madame Mazzucato-Young ».9
En 1891, Bicknell Young guérit d’une maladie chronique de l’estomac grâce à la Science Chrétienne, ce qui incite le couple à s’intéresser à cette nouvelle religion. Ils deviennent membres de L’Eglise Mère (La Première Eglise du Christ, Scientiste, à Boston), en décembre 1894. Ils rencontrent Edward A. Kimball, éminent scientiste chrétien de Chicago, avec qui ils suivent le Cours Primaire de Science Chrétienne en 1895 et le Cours Normal en 1901. Ils sont membres de Première Eglise du Christ, Scientiste, Chicago, et participent également à la création de Deuxième Eglise du Christ, Scientiste, Chicago. Elisa Young compose le solo, « Now Is Come Salvation and Strength » [Maintenant le salut est arrivé, et la puissance], chanté par son mari au début des services de dédicace de Première Eglise en 1897.10 Elle envoie une copie dédicacée du solo à Mary Baker Eddy, « Avec amour et gratitude/en toute humilité/La compositrice. »11
Un bref article publié dans le Christian Science Sentinel, quelques années plus tard, révèle la teneur de la pensée d’Elisa Young :
« Aie pitié de moi, Eternel, car je suis sans force. » Nous devons savoir qu’il ne s’agit pas de la prière du doute d’une personne qui tente de persuader Dieu de l’aider, mais d’une pensée tournée vers Dieu qui est notre aide, qui est notre force et notre santé.
Lorsque nous sommes dans le besoin, nous devrions immédiatement aller à la source de toutes les ressources : nous devrions immédiatement et en pleine assurance nous tourner vers Dieu pour recevoir l’aide, la force et la santé, car elles sont nôtres. Elles sont nôtres, car Dieu est notre Dieu.12
Elisa Young a été inscrite pour la première fois comme praticienne dans le répertoire du Christian Science Journal en 1904. Elle partage pendant quelque temps un bureau dans le centre de Chicago avec Bicknell Young, qui voyage à présent beaucoup en tant que membre du Conseil des conférences de la Science Chrétienne, tout en enseignant cette religion à ses propres élèves.
Elisa Young poursuit une pratique publique de la Science Chrétienne jusqu’en 1909, date à laquelle, pour des raisons inconnues, elle demande à ce que son nom soit retiré du Journal. Cette année-là, les Young repartent en Angleterre, après une absence de près de 25 ans, à la demande du Conseil des directeurs de la Science Chrétienne. Ils séjournent quatre ans à Londres, et se rendent dans plusieurs pays d’Europe où la Science Chrétienne gagne des adeptes. Bicknell y donne des conférences sur cette religion devant un public parfois nombreux, parfois restreint. Quand ils retournent aux Etats-Unis, leurs fils sont à présent adultes – deux d’entre eux ont quitté Chicago pour l’ouest des Etats-Unis, et Elisa et Bicknell Young ont six petits-enfants.13
Après son retour aux Etats-Unis en 1913, Elisa Young demeure plusieurs années à Chicago, avant de déménager à nouveau, cette fois à Boston, où Bicknell Young est le Premier Lecteur de l’Eglise Mère de 1917 à 1920. Nous ignorons comment elle s’est adaptée à cette période nomade de leur vie. Mais après leur séjour à Boston, les Young retournent vivre à Chicago.
Elisa Mazzucato Young décède en Californie à l’âge de 91 ans.
Pour plus d’informations, lisez sous l’onglet « Tiré de nos Collections » : « Un portrait détaillé de Bicknell Young » et écoutez les podcasts Seekers and Scholars (Chercheurs et universitaires) : « Bicknell Young – a Mormon and Christian Science story » [Bicknell Young – de l’Eglise mormone à la Science Chrétienne » et « BONUS : Eliza Mazzucato Young – a musical and Christian Science story » [Eliza Mazzucato Young – Musique et Science Chrétienne] (podcasts en anglais).
Cet article est aussi disponible sur nos sites en allemand, anglais, espagnol et portugais.
Photo de groupe des sœurs de Bicknell Young, s.d. Au deuxième rang (de gauche à droite) : Chloe Eliza Young, Julia Ann Vilate Young, Fannie Young, Rhoda Young. Devant : Henrietta Young. Avec l’aimable autorisation de Jane Hinckley.
Henrietta G. Young et ses sœurs
Bicknell et Elisa Young sont devenus membres de L’Eglise Mère en décembre 1894. Mais d’autres membres de la famille de Bicknell Young les ont précédés dans cet engagement. La belle-sœur d’Elisa, Henrietta G. Young (1853-1944), est devenue membre de l’Eglise deux ans plus tôt. Elle a été inscrite en tant que praticienne dans le Christian Science Journal à partir de 1896. Quelques années auparavant, Henrietta, que sa famille surnommait « Rhettie », a révélé sa nature enjouée lorsqu’elle a chanté dans le chœur de l’opéra-comique Mr. Sampson of Omaha, composé par Elisa Young et joué à Salt Lake City (comme l’indique le programme de la représentation).
D’esprit aventureux, Henrietta s’est rendue à New York pour suivre le Cours Primaire de Science Chrétienne avec Laura Lathrop, élève de Mary Baker Eddy, et elle a été l’une des 11 personnes présentes lors d’une réunion tenue le 17 juillet 1891 « pour organiser “de manière plus méthodique l’activité des scientistes chrétiens” dans l’Utah ». Il est possible qu’elle ait été la première personne originaire de l’Utah à être inscrite en tant que praticienne de la Science Chrétienne. Elle a également été bibliothécaire de la salle de lecture de la Science Chrétienne locale.14 La mère d’Henrietta, Jane Adeline Bicknell Young, est également devenue scientiste chrétienne,15 tout comme ses sœurs Vilate Young, Chloe Young Benedict, Rhoda Young Mackintosh et Fanny M. Young. Le mari de Rhoda, Thomas John Mackintosh, est lui aussi devenu membre de L’Eglise Mère.
Comme leur frère Bicknell, les sœurs Young « s’intéressaient beaucoup à la musique et s’appliquaient à développer leur talent musical ».16 Fanny a suivi l’exemple de sa sœur Henrietta et a eu une longue carrière en tant que praticienne. Rhoda et Vilate ont été inscrites comme praticiennes pendant une période plus courte, respectivement à Salt Lake City et à Chicago. A l’instar de son frère et de sa belle-sœur, Vilate Young a suivi le Cours Primaire avec Edward A. Kimball. Fanny Young, Chloe Young Benedict et Rhoda Young Mackintosh ont suivi le Cours Primaire avec Mary A. Bagley, une élève de Mary Baker Eddy qui a vécu à Salt Lake City à partir de 1891 et au moins jusqu’en 1894.17
Henrietta Young et Fanny Young (dont les prénoms étaient respectivement orthographiés Henriette et Fannie dans le répertoire du Journal) ont vécu ensemble pendant une grande partie de leur vie. Henrietta a habité quelque temps à Chicago, puis en 1910, les deux sœurs ont quitté l’Utah avec leur mère pour l’Etat de Washington, où elles ont poursuivi leur pratique publique de la Science Chrétienne pendant encore trente ans.
- Mary F. McVicker, Women Opera Composers: Biographies from the 1500s to the 21st Century [Compositrices d’opéra : biographies du XVIe au XXIe siècle] (Jefferson, North Carolina: McFarland & Company, 2016), 71.
- Edward Williams Tullidge, « The History of Salt Lake City and Its Founders » [L’histoire de Salt Lake City et de ses fondateurs], Tullidge’s Histories, vol. II (Altenmunster, Deutschland: Jazzybee Verlag, 2019), 578.
- William D. McCrackan, « Bicknell Young C.S.B. », s.d., 3 ; emplacement dans la Collection de la Bibliothèque Mary Baker Eddy : Subject File, Young, Bicknell.
- Fred Nye (livret) et Elisa Mazzucato Young (musique), Mr Sampson of Omaha: An Original Comic Opera in Three Acts: Book of the Words, (Salt Lake City: s.p., 1889) ; « “Mr. Sampson of Omaha” », Omaha Sunday Bee, 22 août 1915, 1-B. Le Bee [ancien journal régional] a commenté à ce sujet : « Opéra-comique créé à Omaha, produit à Omaha, par des talents de l’opéra-comique d’Omaha. »
- Nye et Young, Mr. Sampson of Omaha, 29.
- Kenneth L. Cannon II, « Brigham Bicknell Young: Musical Christian Scientist » [Un scientiste chrétien musicien], Utah Historical Quarterly, printemps 1982, 130.
- Rupert Hughes, « Women Composers » [Des femmes compositrices de musique], dans Young Folks Library: Vocations (vol. IX) : Music and Drama [La bibliothèque de la famille Young : leurs vocations (vol. IX) : La musique et le théâtre], éd. Horatio Parker (Boston: Hall & Locke, 1911), 200-201.
- Biographical sketch of Mr. and Mrs. Bicknell Young, [Esquisse biographique, non datée], Subject file, Young, Bicknell.
- « National School and College of Music, quatrième récital », c. mars 1891 Subject file, Kimball, Edna (Wait).
- « Dedication of the Chicago Church » [Dédicace de l’Eglise de Chicago], The Christian Science Journal, décembre 1897, 525. L’article précise que ces paroles tirées de l’Apocalypse (12:10) ont été « gravées sur une plaque de six mètres fixée au-dessus du portail [portes extérieures] » (524).
- Elisa M. Young, « Now Is Come Salvation and Strength » [Maintenant le salut est arrivé, et la puissance], (Chicago: Clayton F. Summy, 1898), SM0078.
- Elisa M. Young, article sans titre, Christian Science Sentinel, 11 décembre 1902, 230.
- Leur fils Hilgard B. Young écrira plus tard deux articles pour les périodiques de la Science Chrétienne : « Duty » [Le devoir], article phare du Christian Science Sentinel, 16 février 1946, 265-266 ; et : « La portée de la Science Chrétienne pour le monde », Le Héraut de la Science Chrétienne, novembre 1954. « Le devoir » est sans doute un thème particulièrement sensible pour Hilgard Young, car son neveu, le sous-lieutenant Lawrence Hilgard Young, USNR [réserve de volontaires de la Marine des Etats-Unis], a été tué au combat en 1942 pendant la Seconde Guerre mondiale ; Ancestry.com, https://www.ancestry.com/discoveryui-content/view/23651974:60525?ssrc=pt&tid=85092053&pid=36566458675 consulté le 24/3/2022.
- Première Eglise, du Christ, Scientiste, Salt Lake City, Utah. Procès-verbal de la réunion du Conseil des directeurs, page 21, cité dans Jeffrey O. Johnson, « The Kimballs and the Youngs in Utah’s Early Christian Science Movement » [Les Kimball et les Young aux premiers temps du mouvement de la Science Chrétienne dans l’Utah], document non publié, s.d. ; Subject File, Johnson, Jeffrey O., 1, 4.
- Elle est devenue membre de L’Eglise Mère en 1897.
- Kenneth L. Cannon II, « Brigham Bicknell Young », 125-126.
- Lee Z. Johnson au Conseil administratif, Deuxième Eglise du Christ, Scientiste, Salt Lake City, 12 septembre 1968. Une autre élève de Mary Baker Eddy, Lydia (Chase) Glanville, a été inscrite comme praticienne à Salt Lake City de 1895 à 1901.